• Ah si Versailles me laissait comté !J’aime bien le luxe, j’aime bien le confort luxueux. Je ne sais pas d’où cela vient, mais quand j’apprécie quelque chose comme un bijou, des escarpins, un sac, un meuble… c’est toujours d’un prix exorbitant, enfin en tout cas prohibitif pour ma bourse, fût-elle en soie ou en ce que l’on appelle cuir synthétique.

    Je vois un tableau dans une petite galerie, et hop, le prix s’envole vertigineusement vers un horizon que je ne pourrais atteindre sans braquer une banque, ce qui en ce moment n’est peut être par la meilleure des solutions.

    Je passe devant un magasin de lingerie et sans même avoir pu voir l’étiquette qui me désarçonnera, je choisis ce si jolie modèle d’un rose poudre agrémenté d’une dentelle ivoire, un nœud de satin au milieu, et cette culotte un peu à l’ancienne, légèrement froufroutante… et oh ! mon dieu, l’ensemble si convoité à me damner… se retrouve condamné séance tenante sous peine de me voir ruinée en moins de temps qu’il me faudrait pour le dire.

    Il en est de même pour tout, une petite robe si peu commune, et pour cause le modèle est unique, le nombre de chiffre pour l’acquérir aussi. Tout est à l’identique, c’est frustrant voire même terriblement dérangeant. Comment se fait-il que tout ce qui m’interpelle doit être obligatoirement une honte monétaire, un affront à un comptable, une déclaration de guerre à mon banquier.

    J’ai profité beaucoup du luxe des autres, à défaut de pouvoir en avoir un à moi toute seule. Comme je n’aime pas être entretenue ou pire achetée, il m’est arrivée d’accepter une certaine hospitalité ou des invitations avec immersion totale dans un monde de luxe, calme et volupté avec une jolie reconnaissance, je l'avoue. Admettez qu’il est bien plus agréable de dormir dans un lit aux draps de soie que dans un dur coton qui gratte, de manger dans une vaisselle de porcelaine lisérée d’argent ou d’or que dans des assiettes en carton, passer quelques jours de repos dans un joli manoir que dans une tour de banlieue parisienne avec scènes de ménages des voisins en guise d’ambiance sonore.

    Je suis ainsi, j’aime le luxe, les belles matières, les verres en cristal de Venise ou de Bohème, je préfère la porcelaine de Sèvres au vulgaire arcopal, les étoffes douces à la peau, les endroits chargés de beauté et d’histoire. Tout ce déballage me donne des fourmis dans le corps, me dilate les pupilles, me fait frémir les narines, m’humidifie les lèvres de tous bords. Mes doigts se mettent en action, il me faut effleurer, caresser, toucher, palper. Mes quêtes sensorielles m’envoient magistralement en l’air, presque au bord de l’orgasme.

    Alors imaginez-moi, le soir où j’ai pénétré le château de Versailles, privatisé pour un nombre compté d'invités dont je faisais partie. La jouissance intellectuelle fut telle que j’ai failli me pâmer dans l’allée éclairée de photophores, la musique de Monsieur de Lully inondant la cour d’honneur et les serviteurs en livrées nous accueillant comme au tant des lumières.

    Après un moment d’adaptation, de salutations en tous genres : amicales ou politiques, il n’y avait qu’un pas à franchir pour que mon imagination fertile ou pleine de souvenirs de ma vie d’avant ne garde l’endroit plus que pour moi. J’ai fais fi des convives, traveling arrière, je retourne aux origines de mes bonheurs sous le soleil de France. Je suis courtisane à la cour, noble par naissance, en mon cœur en mon âme ; la chapelle, la galerie des glaces, les chambres, antichambres et salons… tous m’appartiennent, je suis ici chez moi à la cour du Roi.

    Bel Amant, qu’il m’est difficile d’être seule ce soir, vous aviez votre place à mon bras, votre corps habillé de soie, vos fesses moulées dans une culotte nobiliaire, le jarret pris par le bas immaculé, le jabot de dentelle recouvrant votre torse, les plumes de votre couvre-chef voletant au vent léger. Je vous rêve à mes côtés, je nous imagine face aux bassins ornés de fontaines éclairées de mille et un flambeaux, il y a foule ce soir, la fête royale a attiré tout ce qui se fait de nobles d’en haut et de nobles d’en bas, les masques cachent les visages empourprés du désir désinvolte des amours légères.

    Je vous entraîne gaiement près d’une table de banquet, prenant chacun une coupe de vin de champagne qui fait pétiller mes yeux de joie, de malice, font briller les vôtres d’un éclat particulier que je connais si bien, celui de votre envie quand elle commence à tenailler votre ventre. Je veux danser le menuet, vous aussi mais vous le voulez pour nous deux, au milieu des bosquets mystérieux d’où s’échappent des soupirs graves, des petits cris aigus, des « ho mon dieu Monseigneur », des « par dieu ma mie », des « mais oh ! Monsieur l’abbé » et toutes les litanies des orgies de fêtes.

    Vous m’attirez dans cette joyeuse pagaille, froissant le taffetas de ma robe. La cavalcade m’a donnée un peu chaud, une légère sueur humidifie ma gorge qu’emprisonne partiellement le séjour baleiné qui la fait pigeonner tel un défi à votre lippe gourmande. J’aime quand vous passez doucement le bout de vos doigts en légère caresse, d’une épaule à l’autre en arc descendant vers mes seins qui ne font que vous réclamer, de mon encolure plongeant en ligne droite pour d’un coup saisir à pleine main l’objet de votre quête, le serrant un peu, juste de quoi me faire fermer les yeux dans un soupir à peine étouffé, votre bouche s’abattant d’un coup sur la mienne, prenant possession d’un terrain que vous savez vôtre quand vous vous en approchez.

    Monsieur vous me ravissez, je ne vous connais que trop pour savoir que rien ne me sera épargné, les jupons amoncelés ne seront que barrière fragile pour vos mains habiles et décidées, minces frontières que vous franchirez sachant que dessous nul rempart vous arrêtera, mon con et mes fesses à l’air n’attendant que vous. Ha ! le beau siècle que voilà où la lingerie de corps n’existait encore pour les dames de hautes lignées comme pour celles issues du ruisseau. Que vous soyez jouvencelle ou vieille femme, nonne, bourgeoise, fille du peuple ou putain, toutes à égalité, le cul nu en libre accès sous les atours ou les haillons, prêt à être investi de gré ou de force par l’homme bien né tout comme le soudard ou le païen.

    Oui mon Bel Amant, culbutez-moi dans les grottes du bosquet d’Apollon, prenez-moi debout les reins cambrés, je réclame votre merveilleux organe m’accrochant gaillardement aux mollets des nymphes immobiles pour supporter vos coups de bélier, plantez dur votre épée Monsieur, faites moi crier votre nom dans des «oui», dans des «non», dans des «pitié» hypocrites et menteurs, foutez-moi sans retenue Monsieur mais foutez-moi bien, je veux vous sentir fort, m’ouvrir en deux sous votre joug et m’évanouir dans cette petite mort que vous savez si bien m’administrer encore et encore.

    ...

     «Jolie soirée, n’est-ce pas, vous êtes de quelle société ?»
    Le réveil est terrible, le voyage est bien terminé…
    Nous rejoignons le buffet pour une coupe de champagne, une cuisine moléculaire, l’orchestre de chambre joue Mozart, mon questionneur est agréable, la soirée suivra son cour, sans la cour du roi…

    Désormais plus jamais Versailles ne me sera conté autrement,
    N’en déplaise peut être à un Monsieur Guitry !


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  • Je vous dois la vérité à vous, à tous, j’ai un très gros défaut… vraiment très gros, je l'avoue.

    Je ne sais absolument pas résister à la tentation de remplir d'avantage mes tiroirs à lingerie. Je pêche régulièrement, inventant n’importe quels prétextes pour entrer dans ces temples païens du satin, des dentelles, du voile.

    Je ne sais y pénétrer sans en ressortir munie d’un joli paquet que je tiens du bout des doigts comme un fragile trésor, j’ai des étoiles dans les yeux, un sourire gourmand aux lèvres, non pas que l’achat compulsif me fasse secréter suffisamment d’endomorphines pour m’offrir le shoot du jour, non c’est bien plus profond que cela...
     

    C’est l'attrait puis le plaisir que provoquera plus tard sa vision aux yeux attentifs qui me déshabilleront.

    Tout ceci m'amène le matin à certaines réflexions existentielles quand je pénètre dans mon dressing, en ouvrant mes tiroirs à dessous. Tous m'appellent, et pourtant il ne faudra en choisir qu'un !
    Tandis que la majorité des femmes se demandent ce qu'elle va porter comme tenue, moi la seule et unique question que je me pose après mon long passage à la salle de bains, après avoir étrillé, palpé-roulé, massé et enduit ma peau d'un voile de lait odorant et fleuri, oui... je vous l’assure, la seule question qui me vient à l’esprit est "que choisir pour habiller au mieux ces seins, jambes, fesses et entrecuisses, que pourrait-il donc vous plaire de découvrir aujourd'hui".

    J’ai certes beaucoup de noir dans mes tiroirs. Ce noir académique, hautement attractif, en voile aérien, dentelle légère, satin doux et glissant, bobby enveloppant tout en transparence, soutient pigeonnant, corbeille, emboitant, coordonnés à des bas échancré, arachnéen, montant ou pas, ouvert, impudique ou non, voile, résille, broderie ton sur ton ou chatoyante… Ce noir que vous aimez tant, qui tranche tellement avec ma peau qu’il vous plait de qualifier de marmoréenne, ce noir qui vous émeut au point qu’il vous arrive de ne vouloir ôter que l'essentiel pour vos caresses et vos étreintes.

    J’ai aussi tout son contraire, ce blanc virginal rivalisant d’audace dans ses textures et matières, ne cachant rien des jeux qu’il aimerait voire naître dans vos yeux, entrepris par vos mains. C'est le pire des hypocrites, il est faussement sage, impudique et candide. Quelles pulsions brûlantes pourrait-il faire germer en vôtre esprit. Regardez ce blanc monacale où un voile de calais rosé habille si bien ce qu’il ne cherche vraiment à cacher, plutôt vous suggérer, que vos prunelles s’appesantissent sur l’endroit pour découvrir le relief d’un téton, la vision d’un sillon qui s’égare sous un mont de vénus. Il y a aussi le blanc tout en entre-jour, en jour échelle, organisé en lignes géométriques, définissant l’ordre, appelant votre désordre, désorganisant votre logique. En clamant haut et fort que loin d’être prosaïque, il a l’audace de rivaliser d’avec ce noir que vous affectionnez tant, hissant votre vît tel un mât, s’accrochant en grande vergue ; en complétant la voilure il vous appelle à prendre la mer, à sombrer dans les affres de la volupté licencieuse.

    Il y a aussi toutes les autres associations de couleurs et de transparences, reproduisant l'arc en ciel après une pluie d'été.
    Et puis, il y a ce rouge, si indécent, qui joue à un cache-cache sur une fesse ou un sein avec le satin et la dentelle, tout en féminité et provocation, aguicheur comme une prostituée outrageusement fardée, de ce vulgaire de courtisane que vous affectionnez tant, attisant votre convoitise, qui vous excite chaudement, fauteur d’un trouble qu’il m’est au combien jouissif d’aller constater, vous invitant à faire vos comparaisons chromatiques sur la toile de mes sens, le bombé de mes hanches, l’arrondi des épaules et le creux de mes reins.

    Bel Amant, le choix est cornélien, il me faut votre aide sur ces points essentiels d’habillage…
    pour satisfaire au mieux vos jolis moments d’effeuillage.


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    J’ai toujours eu un rapport conflictuel avec l’autorité. Non pas que je sois rebelle dans l’âme ni révolutionnaire, mais je n’aime pas faire les choses sans comprendre, ce qui m’amène automatiquement à poser le pourquoi du comment, qui invariablement déchaîne l'agacement, voire la colère des  potentats à qui je me frotte.
    Le résultat d’une telle attitude était en général une bonne fessée quand j’étais enfant, des heures de colle une fois adolescente, des discussions houleuses avec les uniformes dans mes revendications suivis parfois d’un rapport de force mon épaule contre sa matraque, ce qui fait très mal très longtemps, un sentiment d’injustice accompagné d’une forme d’impuissance avec des employeurs et pour finir un sentiment d’enfermement une fois mariée ce qui a fini par des divorces.

    Dans le rapport conflictuel il y a eu aussi tout ce qui approche l’idéologie, le dogme, la doctrine. Je respecte tout un chacun et ce qu’il peut croire ou penser, c’est du domaine de l’intime, je n’ai pas a y entrer. En revanche, je demande que l’on puisse m’accorder la même mansuétude si je ne marche pas dans les mêmes empreintes.

    Donc, il faut savoir que pour l’apprentissage d’une histoire vieille de deux mille ans, mon appétit de curiosité m’a rapporté de bonnes fessées alors que je n’étais plus vraiment une enfant, suivies obligatoirement par des heures de colle à psalmodier des phrases ne rimant pas toujours, pleine de mort, de tristesse, de pardon et de rédemption. C’est à ce moment que chez moi naquit l’idée que le paradis devait être un endroit outrageusement chiant par rapport à l’enfer où il devait se passer des trucs bien chauds, vu que les pêcheurs de tous poils y tenaient salon.

    J’ai le goût de la lecture, tout ce qui se lit m’attire, les ouvrages avec images, sans, les journaux, les magazines avec ou sans intérêt. Mais ce qui me fait palpiter les narines, ce sont les vieux livres, avec une belle couverture de cuir, un ruban marque page fixé au milieu, des pages d’une douceur exquise avec parfois des enluminures mono ou polychromes.
    La bibliothèque municipale de ma commune m’a logée gracieusement des heures durant. C’est ainsi que j’ai un jour rencontré une couverture exceptionnelle en cuir noir un peu fripée, équipée d’un marque page de velours rouge. Au milieu, le titre indiquait « Juliette ou la prospérité du vice », l’auteur était un marquis et il portait le nom plutôt simple de Sade.

    Je me suis dit « tient, c’est quoi ça ? » en ouvrant l’ouvrage au hasard des pages, elles étaient parfois illustrées et là, en arrondissant ma bouche dans un « o » de surprise, je découvrais pour la première fois ce qu’un curé pouvait infliger à des filles quand elles se refusaient à l’enseignement des œuvres dites bonnes.
    J’étouffais un rire et cachais illico le manuel anti-biblique hautement explosif dans ma besace de classe, comprenant bien qu’aucun bibliothécaire ne concèderait à me prêter ce volume égaré sur ses rayons. J’ai filé à mon cour de religion, constatant que j’étais encore en retard et qu’une fois de plus j’allais me faire crucifier publiquement, ou pire !

    Après ma fustigation programmée, reléguée au fond de la pièce me faisant oublier dans une posture révérencieuse, l’ennui me torturant, je me suis adonnée à la lecture de l’ouvrage maléfique.
    Pour la première fois, Mère Marie-Ange connut la paix en son enseignement, l'ange blond restait assise au fond de la classe, absorbée par sa lecture, qui ne pouvait être à ses yeux qu’eucharistique. Je fus si bonne élève, qu’elle cru fermement à un miracle et qu’une sainte main se posant sur ma tête, m’avait enfin inculqué la sagesse et la foi.

    Quelques mois plus tard, une fois communiée et confirmée, je décidais de reprendre ma liberté, divorçant du père, du fils, mettant le saint esprit à la porte et fuyant pour longtemps toutes les cérémonies en français ou en latin. Mon libre arbitre retrouvé, je m’abandonnais avec volupté à une vie beaucoup plus libre enrichie d’ouverture et de tolérance.

    Il m’arrive de me souvenir du curé de Monsieur le Marquis. Comprenant maintenant parfaitement tous ses agissements, j’avoue ressentir les titillements de l’interdit devant une soutane se soulevant par la brise.
    Dommage qu’en général ce qu’il y a dedans calme mes ardeurs ostensiblement.

    Maintenant, si mes pensées s’égarent et mettent Bel Amant à l'intérieur de la bure, je suis certaine de mettre énormément d’enthousiasme à être une très vilaine fille, mettre tout en œuvre pour subir son dévot courroux accompagné de ses réprimandes claquantes. Et quand il décidera enfin que la leçon est suffisante, mes rotondités rougies par son bras armé de l’arme anti-écolier, mes yeux mouillés de larmes emprunts d’un sérieux repentir, il me dispensera son pardon, me disposant devant lui en génuflexion, mes mains sagement croisées dans le dos, la bouche arrondi par un « o » je reproduirai avec application la gravure découverte un après midi de printemps dans un livre à la couverture en cuir noir un peu fripé, sur un rayon poussiéreux.

    Mon père, pardonnez moi mes offenses,
    Soumettez-moi à la tentation,
    Et ne me délivrez pas du mâle.
    Amen !


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