• Le sacre d'un lit de rave

    J’aime les gros sons, ceux qui vous terrassent par leur infra, ceux qui partent dans des bpm, ceux qui vous martyrisent le corps si vous voulez les suivre, ceux qui de temps en temps s’accordent quelques volutes montant dans des aigus qui vous maltraitent parce que vous ne savez plus quand ils s’arrêtent, que vous les sentez monter un peu plus à l’intérieur sans que cela ne cesse, insidieusement, toujours un peu plus, comme une suffocation progressive, inexorablement.

    L’AngeAmoniake que je suis se réveille et s’envole direct très haut dès que le son est bon, travaillé avec dextérité par les doigts savants d’un DJ, avec tout ce qu’il y a à l’intérieur pour me faire du bien.
    Je ressens le son mieux qu’un shoot, il m’enveloppe, me cherche, me pénètre comme le sexe d’un amant, il me procure un plaisir grandissant, mes reins fourmillent, mes seins se gonflent, mes hanches espèrent des mains qui les tiennent, mon ventre se contracte à chaque coup de basse, mécaniquement, en rythme…
    Je danse pour mieux le sentir encore, je danse des heures, tant que le son est bon, tant que l’homme aux platines à l’envie de faire bouger les gens.

    Je ferme les yeux, je souris aux anges d’en bas, aux anges d’en haut, je reste bloquée entre deux mondes, la montée sensorielle lovée dans mes entrailles… que l’homme n’arrête pas de mixer, ou pire ne mixe pas mal, ça gâcherait tout, me renvoyant la tristesse du mauvais son comme d'un mauvais coup, un coït interrompu malfaisant qui laisse amère.

    Mon éducation «son» a été faite par hasard, parce qu’un jeune homme brun aux yeux verts, DJ techno de son état second, avait décidé de me parler à tout prix sur le net malgré mon ignorance totale sur tout ce qui se joue dans les caves, les prairies, les lieux improbables, qui fait tourner le lait des vaches, enfin tout ce qui s'entend dans une belle illégalité et baigné dans un brouillard odorant d’herbes à ne pas utiliser pour le barbeuq de mamie.

    Je pense avoir été tellement nulle en son domaine, qu’il a du croire que c’était un gag orchestré par la webcam invisible. Il me disait des mots comme DJ, hardcore, trance… je restais insensible à l’aura qu’il aurait du normalement dégager à l’énumération de ces formules magiques qui font se pâmer les jeunes filles.
    Le hic est que je n’étais plus vraiment une jeune fille, ce qui pouvait expliquer mon indifférence.

    Malgré tout, sa détermination, son humour, ses propos intelligents, ses vues sur la vie ont développé un dialogue écrit, puis téléphonique pour donner lieu un soir où je me suis retrouvée à la porte par oubli de clé, à un voyage en train qui m’emmena en pleine nuit dans la cité des sacres des rois de France pour notre première rencontre.

    Cette nuit là j’ai bu du thé à la vanille, parlé de lui, de moi, et quand nous nous sommes rapprochés dans le but de mieux voir qui de nous deux avaient les plus beaux yeux, nos lèvres ont fait connaissance un peu timidement d’abord, bien plus intimement après jusqu’à n’avoir plus envie de se séparer trop longtemps.

    Entre deux respirations, mon jeune et beau DJ m’a expliqué qu’il pouvait modifier le tempérament des gens rien qu’avec le son. Suivant les infra, les bpm, il pouvait faire migrer son dancefloor vers une ambiance rude, violente… mais il pouvait aussi et surtout le faire aller vers des latitudes bien plus agréables, plus sensuelles, où les gens se rapprochent, se frôlent, se touchent, avec des bouches qui se cherchent, des mains qui empoignent, explorent, caressent, en veulent plus. Les couples formés se collent aux murs, contre les arbres et commencent un balai luxurieux où le plaisir viendra avec ou sans aides défendues, mais viendra avec le son, par le son émit des platines.

    Et comme je restais dubitative, il m’en a fait la démonstration, rien que pour moi, dans sa chambre, faisant de son lit un lieu de rave, le son se répandant sur mon corps comme l’eau d’une cascade, ses mains l’étalant par des caresses glissantes ou poignantes, par ses reins qui m’impriment le rythme de son œuvre. Le son me pénètre, tout comme lui, je ne sais plus où je suis, je me sens envahie, prise en étau entre lui et son mixe, le plaisir est indomptable, ingérable, je le subis, ne le retiens plus, il semble s’ancrer contre ma volonté pour recommencer dans une autre montée, ne me laissant aucun répit.
    Je défaille, je vais mourir c’est certain… c’est un serial-DJ-lover-killer, mon dieu je suis perdue !

    Une éternité plus tard, quand j’ai ré-atterri doucement, blottie dans ses bras, le souffle court, le corps frissonnant des derniers spasmes de la jouissance, il me regardait de ses jolis yeux clairs, me souriant tendrement, fier de lui, d’avoir eu le dernier mot.
    Pour une fois, j’admettais avoir eu tort avec des airs de chatte gourmande.

    Après un profond baiser, il me dit « tu sais mon ange, j’ai encore quelques CD très intéressants à te faire écouter, tu es vraiment pressée pour rentrer à Paris ? ».

    Si pour un roi de Navarre autrefois Paris avait bien valu une messe.
    Reims devait bien valoir ma consécration sur quelques sets hardcore et me faire vibrer au présent !

    Remets le son DJ !!!

    « Ah si Versailles me laissait conter !L'ennui est le père de tous mes vices ! »

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    1
    Le Marquis
    Jeudi 3 Novembre 2011 à 10:35

    Combien de cordes avez-vous à votre harpe cher ange? je vous croyais menuet à versailles, je vous trouve ce matin raveuse à Reims! et demain sera une autre histoire?

    2
    Desdémona
    Jeudi 3 Novembre 2011 à 15:06

    Pour une fois que quelqu'un dit que c'est bien le son, merci mon ange, mais de toi rien étonne

    • Nom / Pseudo :

      E-mail (facultatif) :

      Site Web (facultatif) :

      Commentaire :


    3
    Genkin's Goth
    Samedi 5 Novembre 2011 à 11:58

    Ha petit ange déchu, enfin tu es revenu. quand tu voudra changer, viens écouter mon son dans les caves, j'ai des supers trucs à te faire écouter moi aussi...

    4
    Mardi 22 Novembre 2011 à 21:43

    Excellente ta rêverie .....  raconté à merveille .... l n'y a pas d'age pour le son de toute façon & quel qu il soit !

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :